Krav Maga Geneve
Membre de la KRAV MAGA FEDERATION d'Alain Cohen ( KMF / AC)

MODULE 4 – Gérer l’adrénaline

Être agressé(e) chez soi, dans un lieu où nous sommes supposés nous sentir en sécurité, est une grande peur pour beaucoup de femmes. Ce sont des questions qui reviennent souvent : que faire lorsque je suis seule chez moi et que j’entends quelqu’un dans ma maison ? Quelles précautions puis-je prendre pour limiter ma vulnérabilité lorsque je me rends à ma voiture ? Ce module traite principalement des mesures préventives à prendre lors des trajets entre sa voiture et son domicile ainsi que sur les parkings.

Introduction

Lorsque nous nous trouvons dans une situation identifiée comme étant potentiellement dangereuse par notre cerveau, les structures impliquées dans l’émotion de peur s’activent fortement avec son cortège de réponses physiologiques associées. La sécrétion d’adrénaline, hormone et neurotransmetteur connu, en fait partie. Ces réactions permettent de s’adapter à un contexte de survie en optimisant momentanément certaines fonctions utiles pour fuir, se défendre ou se figer. Entre autres manifestations de ce système, nous devenons plus résistants à la douleur et notre vision périphérique est réduite. Etant donné qu’il est peu fréquent d’expérimenter une telle réaction – et donc difficile de s’y habituer par l’expérience – il est utile d’apprendre à tirer le meilleur parti de ces réactions pour maximiser leurs effets positifs et nos chances de survie, en évitant de paniquer une fois confrontés à elles. Le but de ce module est de faire prendre conscience aux élèves que la peur peut être une alliée, et donner des conseils sur la manière de se représenter les situations dangereuses afin de les aborder le plus calmement possible.

Le fonctionnement de la peur

Il y a quelques années, nous comprenions la peur de manière très simpliste : vous apercevez un ours dans la forêt, vous prenez peur et commencez à courir. Aujourd’hui, notre compréhension de ses mécanismes s’est affinée. Nous savons à présent qu’il existe différents circuits de la peur différenciés par les structures impliquées, la vitesse des réactions ainsi que le niveau de conscience de la situation potentiellement dangereuse. Le circuit « court » (thalamo-amygdalien) permet une réaction-réflexe très rapide mais imprécise : l’information sensorielle du thalamus est directement transmise à l’amygdale, qui lance une alarme sensorielle nous préparant à l’action (en réalité, les réactions en chaîne sont un peu plus complexes que cela). Nous n’avons pas encore identifié clairement le danger, mais un élément nous a mis sur nos gardes (par exemple, percevoir un bâton qui ressemble à un serpent). Dans le circuit « long » (thalamo-cortico-amygdalien), l’information est transmise à l’hippocampe, au cortex sensoriel et au cortex préfrontal, qui analysent le contexte et évaluent la pertinence de la sensation de danger avant de renseigner l’amygdale qui adaptera sa réponse à la situation. Dans cet exemple, s’il s’agit bien d’un serpent, l’amygdale renforcera les manifestations corporelles de la peur ; si ce n’en est pas un, elle les estompera.

L’importance de la peur dans la prévention

Ainsi, la peur-réflexe s’apparenterait davantage à une sensation : la peur devient émotion lorsqu’elle est consciemment identifiée. Il ne faut pas sous-estimer l’utilité du circuit long ! Prendre conscience d’un danger potentiel peut permettre une prévention qui peut s’avérer plus efficace qu’une réaction, même rapide, face à une menace imminente. Bien que fulgurantes, les réactions-réflexes ne sont pas toujours les plus adaptées car elles sont incontrôlées : même si vous connaissez quelques techniques d’auto-défense, il n’est pas garanti qu’elles soient votre premier réflexe tant qu’elles ne sont pas maîtrisées à la perfection à force d’entraînements répétés.

Imaginez que vous vous trouvez dans une ruelle peu fréquentée, et qu’un individu marche derrière vous. Bien qu’il puisse simplement se rendre d’un point A à un point B tout comme vous, comprenez que la méfiance n’est pas forcément synonyme de paranoïa. Paradoxalement, un des mécanismes utilisés automatiquement pour se rassurer face à un danger potentiel est le déni. Or, identifier une menace – même potentielle – vous permet de bénéficier d’un temps de réflexion sur la situation (courir, faire demi-tour, chercher une issue, s’emparer d’un objet qui peut vous servir, etc.) ainsi que des effets de l’adrénaline, deux éléments avantageux pour faire face à l’agression si elle venait à se produire. Utilisez votre méfiance à votre avantage : c’est le moment de faire une évaluation des risques de la situation dans laquelle vous vous trouvez, et des options qui s’offrent à vous. Et même si la situation s’avère inoffensive, ce réflexe d’évaluation pourrait vous sauver à une autre occasion. Il est important de procéder à cela avant de se retrouver face à une menace imminente, car notre système rationnel de décision demande du temps et un effort mental quasiment impossible à effectuer sous le coup d’un stress intense.

Réflexion et émotion : une collaboration des plus efficaces

Il est primordial de concilier adrénaline et réflexion rationnelle. Votre corps doit être prêt à réagir fortement, mais votre esprit doit être capable de raisonner calmement malgré les sensations physiques qui vous submergent. Par exemple, le fait de prendre la décision de courir implique également de définir dans quelle direction, si vous portez les chaussures/vêtements appropriés pour cela, etc. Il vaut donc mieux peser le pour et le contre de vos options avant de les mettre en œuvre, et cela se complique si vous laissez vos émotions vous dominer. Réguler votre respiration est un bon moyen de lier physique et mental de manière contrôlée.

Acceptez la situation

Vous demander « pourquoi moi ? » ne vous aidera pas à vous sortir d’une situation délicate. En plus d’être une perte de temps lorsque vous êtes en danger, ce type de question est stérile : ce n’est pas parce que vous êtes pris(e) pour cible que vous avez fait quelque chose de travers. Cela peut arriver à n’importe qui, même à quelqu’un d’entraîné. Vous devez accepter l’idée que ce qui arrive aux autres peut vous arriver aussi, et vous confronter à la dure réalité qu’il existe des individus cherchant à nuire à autrui pour leurs propres besoins/intérêts. Prendre conscience de cela est un premier pas vers un état d’esprit orienté vers l’auto-défense.

N’attendez pas que quelqu’un intervienne à votre place

Demander de l’aide n’est de loin pas un mauvais réflexe. Malheureusement, bien que les autres puissent parfois intervenir en cas de besoin, rien n’est garanti. Ils peuvent manquer de temps pour réagir (une agression peut se produire à une vitesse fulgurante), ils peuvent se figer, fuir, être dans le déni ou même ne rien remarquer. Malgré votre détresse et vos appels à l’aide, il n’est pas certain que quelqu’un d’autre ait le courage de vous défendre alors qu’il n’a finalement pas d’intérêt à le faire d’un point de vue auto conservatif, surtout s’il n’est pas en position de force par rapport à votre assaillant. Beaucoup d’entre nous, même les plus courageux et altruistes, aurions tendance à nier la dangerosité de la situation (« cela doit être un couple qui se dispute ») ou à légitimer notre inaction pour éviter de se mettre en danger (« je ne sais pas faire face à cela », « je suis avec mes enfants, je dois les protéger », « cela ne me regarde pas, je ne connais pas cette personne »). Il n’est pas rare que les gens, même en groupe, préfèrent s’éloigner et ignorer la situation, plutôt que de prendre des risques alors qu’ils ont le choix. Ne comptez donc que sur vous-même et agissez en conséquence.

Ne précipitez pas les choses

Il est normal de vouloir sortir d’une situation désagréable au plus vite. Malheureusement, au lieu de nous aider à en sortir indemne, la précipitation peut dans certains cas mener à une escalade de violence qui aurait pu être évitée par le dialogue. Lorsque nous nous sentons menacés, nous pouvons avoir tendance à brusquer les choses en nous montrant démesurément agressif, ce qui peut conduire à l’inverse du résultat que nous souhaitons obtenir : autre bonne raison de ne pas laisser la panique prendre les commandes.

Gagnez du temps et gardez un mental solide

Ne vous laissez pas affaiblir psychologiquement en pensant que vous perdrez de toute façon. Dites-vous que gagner du temps en empêchant l’agresseur de vous atteindre ne fait pas que retarder l’issue de la situation (c’est ce qu’il voudrait que vous pensiez, il peut même le verbaliser pour vous faire peur) : cela exerce également une pression sur lui qui pourrait le faire renoncer. Chaque petite victoire doit vous donner davantage confiance en votre capacité à vous en sortir. Même si votre stature est chétive par rapport à la sienne et que vous n’êtes pas ceinture noire de quoi que ce soit, l’aspect psychologique joue un grand rôle dans le déroulement des événements et peut parfois suffire à gagner un combat avant même qu’il ne s’engage.

Une bonne prévention repose avant tout sur une reconnaissance des situations menaçantes et une prise de décision efficaces. Pour acquérir ces habiletés, il vous faut entraîner votre capacité d’adaptation verbale tout autant que physique : en effet, il n’existe pas d’attitudes et de phrases préconçues qui auront le même impact sur votre agresseur, car tous ne fonctionnement pas de la même manière. Entraînez ces compétences à l’aide de votre instructeur et des élèves grâce à des jeux de rôle en variant les contextes, les lieux et les échanges verbaux afin de développer diverses stratégies que vous pourrez utiliser « sur le terrain ».

Conclusion

Nous avons vu que la peur ne doit pas être considérée comme un frein à l’auto-défense. Au contraire, nous pouvons en faire une alliée à condition de nous en servir adéquatement. L’accent est, une nouvelle fois, mis sur la prévention : l’entraînement des techniques d’auto-défense ne vous garantit pas de mettre toutes les chances de votre côté. La gestion de vos sensations physiques ainsi qu’une prévention intelligente sont tout aussi importantes que vos aptitudes au combat / à la défense.

Ce module ne comporte pas de techniques de défense. Ces dernières doivent être entraînées en amont afin d’être suffisamment automatisées pour y faire appel naturellement en situation de stress.